Suite à ma journée à Jiuzhaigou, je m'accorde du repos. Après la marche physique de la veille, je préfère profiter une dernière fois des paysages montagneux avant de partir pour Songpan. Cette étape n’était pas prévue au programme au début, c’est en passant en bus en direction de Jiuzhaigou que cette ville m’a interpellée. Une ville de garnison de la Chine impériale, carrefour sur la route vers le Tibet.
J’y arrive dans l’après midi à bord d’un bus d’un autre age. Il me faisait plus penser aux stars ferries de Hong Kong au niveau de l’odeur et de la fumée qu’à un bus classique. Lorsque je montais dedans, le chauffeur aidé d’autres personnes était en train de réparer le radiateur qui venait de fuir. A coté de moi était assise une femme tibétaine avec son nourrisson. Il était vraiment calme et n’a pas poussé un seul gémissement pendant les 2h30 nécessaires pour parcourir les quelques 100 kilomètres entre Jiuzhaigou et Songpan. Les hauts plateaux arides où broutent quelques yaks se succèdent. Nous arrivons finalement à Songpan, la gare routière de cette ville de 70 000 habitants se trouvent sous la porte Nord. Encore une fois, pas besoin de chercher un hôtel auparavant, aussitôt sorti du bus, je suis assailli d’offres d’hôtel. Tous à 25 yuans la nuit, je choisirai celui d’un jeune qui m’a l’air sympathique. Pour manger, il me conseille le restaurant d’en face. Là il n’y a pas de menu, le cuisiner m’invite dans la cuisine et me demande ce que je veux en me montrant les aliments. Lui aussi sera très gentil et nous resterons à discuter encore une heure après le repas, des événements au Tibet encore une fois. Les chinois sont avides d’informations. En tout cas, Songpan qui est un melting pot de 4 minorités a été épargnée des combats, ici on m’assure que les communautés vivent en paix. On me dit même que les mariages extracommunautaires sont nombreux.
La ville en elle-même se visite en quelques heures. Les murailles, les portes, ce sont surtout tous ces gens qui la peuplent avec tous ces habits différents, leurs motos, leurs chevaux ou yaks. Cette facette de la Chine rurale, que je découvre est fascinante. Il s’y mêle ancestralité et modernité, l’écart est encore plus flagrant qu’en ville, plutôt il est différent. De voir un char tiré par deux yaks être doublé par un 4x4 dernière génération, dans une ville où l’eau chaude est rare, les douches publiques en extérieur on voit une activité ininterrompue. Du matin au soir, il y a un va et vient incessant dans cette « petite » bourgade.
Il n’empêche, Songpan est une ville vraiment agréable. Dans la soirée, je mange dans un restaurant de camionneurs. Ceux-ci sont vraiment généreux et, pareillement, nous discuterons un petit moment. Il faut savoir qu’en Chine, il y a deux moyens de montrer son amitié, en offrant une cigarette ou à boire un verre, cul sec bien sur. Depuis que je suis en Chine, je n’ai jamais autant bu et fumé avec des Chinois rencontrés. A Songpan, j’ai vraiment senti une simplicité des gens qui m’a apaisé réellement. Mon aubergiste rentre dans le restaurant pour me voir, il me propose de participer à la location d’une voiture demain pour visiter un parc que je n’avais pas vraiment prévu. Quoi qu’il en soit, je n’avais pas prévu de venir à Songpan non plus, donc je lui donne mon accord. Le lendemain je partirai à Huanglong avec deux Taiwanais.
Le vrai attrait de Songpan vient de la présence d’une compagnie qui propose des treks à cheval autour de la ville voire jusqu’à la frontière du Gansu en 7 jours. Mon objectif principal dans mon étape à Songpan était d’approcher la culture tibétaine, très présente dans la campagne environnante. Je demandais donc de m’organiser un trip à la journée dans les alentours de la ville. Et on me proposa d’aller en cheval jusqu’à une lamaserie, de l’autre coté des montagnes qui entourent la ville. Après deux heures de négociation du prix, culture chinoise obligé, j’obtiens un rabais de 30 RMB, moins que j’espérais mais bon il me semble qu’il ne descendra pas plus bas que 120 RMB la journée qui comprend guide, cheval, nourriture.
Le lendemain matin, encore un petit déjeuner de Jiao Zi. Je deviens accroc aux raviolis chinois au réveil. Le guide arrive, avec son chapeau de cow boy et ses deux chevaux. Avant de chevaucher nos montures, il achète des victuailles pour le repas de midi, dont un pain tibétain qui ressemble à s’y méprendre à une fougasse.
Nous grimperons donc la montagne puis nous baladerons sur son flanc de l’autre coté, dans une vallée aux villages tibétains. Des tissus avec des inscriptions volent au vent, ce sont des prières qui sont adressés par les habitants. Les couleurs de ces tissus donne un charme tout particulier à la culture tibétaine. Leurs vêtements sont aussi vraiment beaux, les moines, les vieilles dames, leurs enfants, les couleurs vives m’envoûtent. Nous croiserons des bergers avec leurs chèvres, des femmes qui ramassent les rares morceaux de bois sur ces terres arides, des yaks et des chevaux qui broutent l’herbe encore gelée.
Nous arrivons dans un petit village où une lamaserie est collée. Le guide me conseille d’aller me balader pendant qu’il prépare le repas. Je fais la connaissance de moines âgés de 12 ans à 18 ans, ma présence ne passe pas inaperçue. Ils m’encerclent et commence à me poser des questions. Je leur réponds puis le plus âgé me propose d’aller dans sa maison. Je le suis mais reste un peu méfiant. En effet, les tibétains ont une attitude différente des chinois Han, ils sont francs, brutaux et sanguins. Je ne suis pas habitué et surtout je me dis qui c’est à mon sac qu’ils en veulent, je ne pourrais rien faire. Ce n’est pas grave, je fais confiance à ces jeunes et je les suis. On s’assoit sur la terrasse de sa maison de bois. Le soleil brille fort dans le ciel et la neige tombée la nuit précédente perle maintenant au bout du toit. De suite, ils me demandent si je soutiens les tibétains ou les chinois. Je leur dis que je ne soutiens ni les uns ni les autres car les tibétains bien qu’opprimés ne sont pas des anges. A Chengdu, des gens sont morts de par et d’autre, je ne prends pas parti pour des meurtriers. Nous bavarderons ensemble une bonne heure. Ils m’expliquèrent leur point de vue, de tibétains, mais en ajoutant qu’ici dans la région de Songpan, il n’y avait pas eu de problèmes.
Je retourne vers le refuge où mon guide discute et joue aux cartes. Nous mageons le pain tibétain qui finalement est vraiment excellent, une fougasse au sucre. Je n’ai plus faim. Arrivent un autre guide avec lui deux étrangers. Ils rentrent de la montagne de glace, un trek de 4 jours. Ils ont subi la tempête la veille et sont fatigués. Ils n’ont même pas pu monter jusqu’à leur objectif et ont du rebrousser chemin. Nous discuterons encore tous ensemble une bonne heure avant de remonter sur les chevaux. Nous redescendons tous ensemble dans la vallée vers Songpan. La neige s’est maintenant transformée en eau et parfois en boue, ce qui va nous salir les chaussures, le jean et le manteau. Il n’empêche cette expérience fut vraiment intéressante sur de multiples points et restera comme un point fort de mon voyage dans le Nord Sichuan.